Etre vivant ?
La musique envahissait l’espace, une espèce de soupe bossa-nova qui ne
couvrait pas les conversations mais suffisait à distraire par instants.
Le bar au nom pompeux servait d’étranges cocktails à des tarifs trop
élevés. Pourtant, il se remplissait invariablement d’un soir à l’autre.
Les humains ont singulièrement besoin de contact, de chaleur. C’est souvent
une bonne chose, mais en cet instant ça n’était qu’étouffant pour moi.
J’aurai voulu être ailleurs. Où ? Je n’en savais rien. Je ne savais jamais quel était le bon endroit. Je m’en ouvrais tous les quinze jours à un psy, qui me prodiguait quelques conseils, mais ma place dans le monde restait introuvable.
Je faisais semblant.
Comme bon nombre de mes connaissances, de mes amis, de mes congénères, il
me semble.
J’en arrivais à la conclusion, bien souvent, que l’Homme du XXIème siècle
travestissait systématiquement son existence. Nous étions loin, très loin, du
Cro-Magnon, chasseur, cueilleur, qui ne devait sa survie qu’à son honnêteté. Je
tue ou je suis tué. Pas plus compliqué que ça.
Ceci étant, une société où je ne risquais pas de me prendre un coup de pieu
ou un caillou dans la tête me convenait tout à fait.
Puis, il y avait cette fille. Une parmi d’autres. On sort dans les bars
pour séduire, même passé l’âge. Parce qu’on se refuse à vieillir seul, à mourir
seul. Même si tout le monde s’évertue à dire que l’on meurt seul de toute
façon, nous n’avons qu’une attente : trouver celui, celle, qui partagera
ses jours et nos nuits pour effacer la peur.
On déguise ça sous les oripeaux de l’Amour. Avec un grand A. Mais soyons
honnêtes, l’amour dure quelques mois, quelques années, puis s’installe cette
routine qu’on ne fuit pas, parce qu’on voit poindre la Solitude. Avec un grand
S.
On pourra me juger cynique, désabusé. C’est très certainement le cas. Je voudrais croire en l’amour, moi aussi. Mais c’est sans réciproque.
Il y avait donc cette fille. Très belle. Souriante. Une femme en robe et escarpins, comme j’aime qu’elles soient. Des cheveux châtain clair aux dégradés blonds subtils. Et un immense rire clair, lumineux.
Il y avait cette fille que je n’aborderais jamais.
Il y avait cette fille et pas un seul instant je ne me suis senti vivant.
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